Comment Clariane redéfinit la prise en soin des personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ? Entretien avec le Pr Antoine Piau

Maisons de retraite médicalisées

Le Professeur Antoine Piau, directeur médical, éthique et innovation en santé du groupe Clariane, partage ses perspectives innovantes sur la prise en soin de la maladie d’Alzheimer au sein de nos établissements. Il met en lumière l’importance du dépistage précoce, le rôle des interventions non médicamenteuses, et le concept des maisonnées. Une approche globale et proactive, pour améliorer en continue la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer que nous accompagnons.

Le dépistage précoce de la maladie d’Alzheimer est-il vraiment crucial pour améliorer la qualité de vie des patients ?

Pr Antoine Piau - Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est souvent posé trop tard. Environ un tiers des personnes qui devraient être diagnostiquées le sont, mais bien trop tardivement. Le vrai problème est donc celui du diagnostic précoce. On nous demande parfois à quoi sert un diagnostic précoce s’il n’y a pas de traitement curatif. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Il a été prouvé que des facteurs modifiables permettent de ralentir l’évolution de la maladie. On estime que ces facteurs peuvent influencer jusqu’à 40 % des personnes malades (The Lancet).

Ce n’est pas une idée sans fondement : il est possible d’agir, même sans médicament ou thérapie curative. Les facteurs modifiables, comme les risques cardiovasculaires, les liens sociaux, la lutte contre la dénutrition et l’activité physique, jouent un rôle essentiel. L’activité physique, par exemple, ralentit l’évolution de la maladie.

En diagnostiquant plus tôt, on peut permettre aux patients de rester maîtres de leur avenir.

Pr Antoine Piau Directeur médical, éthique et innovation en santé du groupe Clariane

Cette année, plusieurs dizaines d’établissements Korian, les maisons de retraite médicalisées du groupe Clariane, proposent pendant un mois et à partir du 16 septembre des consultations ouvertes au public.

C’est une excellente initiative. ll est essentiel que les EHPAD soient de plus en plus perçus comme des ressources de soins au niveau local. Nous travaillons beaucoup sur ce point pour intégrer nos établissements dans un réseau bien coordonné entre le public et le privé, afin qu’ils ne fonctionnent pas de manière isolée dans leur territoire.

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Quelles sont les interventions non médicamenteuses pour les personnes malades d’Alzheimer ? En quoi consistent-elles ?

Pr Antoine Piau - Les interventions non médicamenteuses jouent un rôle clé dans l’amélioration du bien-être des personnes malades même à des stades avancés. Parmi ces interventions, on trouve le concept de stimulation sensorielle (l’ouïe, l’odorat, la vue, le goût et le toucher) pour créer une ambiance apaisante et améliorer les troubles du comportement, des dispositifs comme le chariot flash, une version portable du Snoezelen (pièce de stimulation sensorielle présente dans de nombreux établissements), ou encore des jeux vidéo améliorés et adaptés pour travailler la coordination ou stimuler l’activité physique.

D’autres thérapies complémentaires, telles que la musicothérapie, la zoothérapie et l’art thérapie, sont également utilisées. Ces interventions sont classées selon leur impact sur les fonctions (motrices ou cognitives) et doivent être validées scientifiquement pour garantir leur efficacité et innocuité. Il y a environ une trentaine d’interventions non médicamenteuses utilisées dans notre réseau, et ce nombre évolue constamment car nous intégrons continuellement les nouvelles avancées scientifiques et les succès observés sur le terrain.

Les interventions non médicamenteuses sont partie intégrante de notre philosophie du soin, le Positive Care, qui consiste à prendre en charge une personne, et non une maladie, de manière personnalisée et en limitant la iatrogénie*. Elles permettent d’éviter les psychotropes et autres contraintes physiques ou chimiques.

Pr Antoine Piau Directeur médical, éthique et innovation en santé du groupe Clariane

*La iatrogénie médicamenteuse désigne l’ensemble des effets indésirables provoqués par la prise d’un ou plusieurs médicaments

Les maisonnées en EHPAD sont-elles une solution pour améliorer la qualité de vie des résidents ?

Les maisonnées sont des unités de vie inspirées du modèle hollandais, où le personnel s’adapte au rythme des résidents. Par exemple, si un résident préfère prendre son petit-déjeuner à 10 heures plutôt qu’à 7 heures, cela peut être organisé. Nous en avons mis en place dans certains de nos établissements Korian en France. Chaque maisonnée regroupe environ 10 à 12 résidents, et un établissement peut compter plusieurs unités.

La flexibilité des maisonnées nécessite une réorganisation profonde, bien au-delà de simples ajustements des horaires de service. Chaque maisonnée est gérée par un responsable, souvent une aide-soignante, qui prend en charge un groupe de résidents et bénéficie d’une plus grande autonomie dans l’organisation des soins. Le modèle fonctionne très bien dans les établissements où il a été mis en place, et est désormais durable. Nous savons que nous allons pouvoir le maintenir, mais nous rencontrons des limites pour le déployer, notamment en raison de contraintes architecturales. Dans certains pays où nous opérons, ce modèle ne peut pas être appliqué de la même manière. Cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire !

C’est dans ce cadre que nous avons constitué au sein de Clariane un groupe de travail européen pour établir une évaluation systématique des rythmes de vie des résidents, au-delà de la biographie des résidents qui est déjà une étape systématique. Une telle évaluation, à l’entrée de l’établissement, n’existe pas encore, ni dans les hôpitaux, ni ailleurs. Pourtant, elle pose des questions simples : « Combien de temps dormez-vous ? », « À quelle heure vous couchez-vous ? », « À quelle heure prenez-vous votre petit-déjeuner ? ». Jusqu’à présent, cet aspect des rythmes de vie a été négligé, malgré les efforts pour mieux comprendre la biographie des résidents.

Ce travail a commencé fin 2024, et les premiers retours sont encourageants. Nous prévoyons de généraliser cette évaluation en début 2025.

Avec cette évaluation, notre but est d’identifier, établissement par établissement, jusqu’où il est possible d’améliorer le respect de ces rythmes de vie à des degré divers en fonction des contraintes de chacun.

Pr Antoine Piau Directeur médical, éthique et innovation en santé du groupe Clariane